• J’attends le train tranquillement, ce soir là. Priss passe à côté de moi. Elle me salue et pars vers chez elle. Je lui souris et soudain, je me rappelle qu’elle voulait me dire quelque chose. Je l’appelle, mais c’est trop tard. Elle est partie. Je me rends compte que nous ne nous voyons presque plus ces derniers temps. Est-ce à cause du travail ?

    Le train arrive. Je monte dedans. Je m’assois. Le trajet passe, je suis triste et j’ignore même pourquoi. Puis, une station avant la mienne, des hommes en noir avec des masques font stopper le train. Je les regarde s’avancer vers moi.

     

    - Mademoiselle Jenner ?

    - Oui ?

    - Nous allons devoir vous demander de nous suivre.

    - Pourquoi ? Que me voulez-vous ?

    - Nous avons des ordres précis. Suivez nous, je vous prie.

    - Je ne vois pas pourquoi je vous ferais confiance. Je vais rester ici, rentrer chez moi, et vous vous ne viendrez plus m’importuner.

    - Je regrette, mademoiselle. Je vais devoir employer la force si vous ne venez pas. Mais si vous me suivez, votre famille sera peut-être épargnée.

    - Ma famille !

     

    Je rigole.

     

    - Vous ne connaissez pas ma famille !

     

    À ma grande stupeur, je le vois sortir cinq photos de sa poche. Il me les montre une par une.

     

    - Katerine Simmons. Elie Simmons. Lyna Hosteler. Lathmee Hosteler. Et Aya Walter.

     

    La première chose qui me vient à l’esprit est que l’homme a appelé ma cousine Katerine. Pourtant, je sais très bien qu’elle ne s’appelle pas comme ça. Quelque chose me paraît étrange, mais je n'arrive pas bien à savoir quoi. Puis, je le regarde, stupéfaite qu’il ait pu se procurer ces photos.

     

    - C’est d’accord, je viens. Mais ne faites rien à ma famille.

    - Nous ne vous le promettons pas.

     

    Ils m’emmènent alors et je vois le train redémarrer avant qu’ils me couvrent les yeux d’un tissu sombre.

    Ils m’obligent à avaler une sorte de comprimé, ce qui a pour effet de m’endormir pendant le trajet. Je me souviens seulement d’avoir pensé : « Ils m’enlèvent. Comme Théo, comme Opale. ».

    Je me réveille enfin, quand je sens qu’on me dépose sur un sol froid. J’ouvre les yeux. Je suis dans une pièce totalement noire, où la seule lumière provient de dessous la porte. Je n’y vois rien, dans cette obscurité. Je soupire. Je n’ai rien pu faire. Malgré le parcours d’obstacle pendant ma formation, je n’ai pas pu résister, menacer ma famille est le meilleur moyen de me faire obéir.

    Soudain, j’entends une voix provenant du fond de la pièce. Pour l’instant, ce n’est qu’un murmure, mais la voix continue de parler.

     

    - Qui est là ?

     

    Je l’entends parfaitement, maintenant. Mais je ne sais pas si je dois répondre.

     

    - Je…

    - Ils ont enfermé quelqu’un d’autre avec moi ? C’est bizarre. Quand ils m’ont fait prisonnier, ils ont pourtant laissé entendre que personne ne devait me rejoindre… Je ne dois plus leur paraître dangereux, dit l’inconnu avec une voix narquoise, voix qui me dit d'ailleurs quelque chose.

    - On est où ? je demande.

    - Dans une cellule de prison. C’est tout ce que je sais. J’ignore qui nous a fait venir, ni pourquoi. Mais comment t’appelles-tu ?

    - Hum… moi c’est Sole.

    - Sole ?! crie l’autre.

     

    Et là, je reconnais sa voix.

     

    - Théo ? Alors ils t’ont bien capturé ? je m’exclame.

    - Oui. Mais je n’ai aucune idée que qui ça peut bien être. A chaque fois qu’ils m’apportaient à manger, à chaque fois qu’ils passaient dans le couloir j’essayais de distinguer leurs visages mais je n’ai jamais réussi.

    - Je suis allée voir ta tante. Elle se demandait si ce n’était pas ceux qui t’avaient exilé une première fois qui t’avaient repéré et capturé pour te bannir à nouveau.

    - Je ne pense pas… sinon, tu ne serais pas là…

     

     

     

     

    Plusieurs jours sont passés, nous étions toujours enfermés dans notre cellule. Nous tentions sans succès de démasquer nos ravisseurs. Et c’est alors qu’un jour, quand nous commencions à nous demander si nous allions mourir là, un homme masqué nous ordonna de sortir de la cellule.

     

    - Allez, dépêchez vous, j’ai pas toute ma vie.

     

    Il nous emmena dans une immense salle où étaient installés de nombreux tapis et où des jeunes hommes et des jeunes femmes de notre âge, certains plus jeunes, peut-être, attendaient. Il nous fit signe de rejoindre les autres.

     

    - Bien. Si vous êtes ici, c’est pour vous joindre à notre armée.

     

    J’entendis des murmures parmi les gens autour de moi.

     

    - Vous allez devoir vous entraîner sans relâche jusqu’à ce que notre chef estime que nous pouvons attaquer.

    - Attaquer quoi ? demanda un des garçons de la foule.

     

    Le garde masqué ne lui répondit pas.

     

    - Et je ne veux surtout pas que vous arrêtiez de vous battre à la moindre blessure. Vous n’êtes pas chez les soldats, ici. Je ne serais pas indulgent.

     

    Théo lance alors un regard anxieux vers mon ventre. Et je réalise que c’est fichu pour moi si une seule personne le heurte. Je ne leur serais plus utile, et qui sait alors ce qui m'arrivera ? Ils me tueront sûrement…

     

    - Allez y, je veux vous voir commencer tout de suite.

     

    Théo et moi nous regardons.

     

    - On n’a qu’à se battre ensemble, comme ça je ne te ferais pas mal.

     

    J'acquiesce. Nous nous mettons en place. Alors que nous commençons, une jeune fille brune court vers nous à toute vitesse, et, pendant un instant, j’ai l’impression qu’elle va me foncer dedans.

     

     

    - Théo, Sole ! Comme je suis contente de voir enfin des gens que je connais !


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  • Je la regarde plus attentivement et je me rends compte que c’est Opale. Opale ! Alors, nous avons tous bien été capturés par les mêmes personnes…

     

    - Toi aussi, tu es ici ? je demande.

    - Oui, il m’ont capturée après Théo.

    - Je sais, j'ai été la suivante. Mais tu sais ce qu’ils nous veulent ?

    - Et bien, il ont dit tout à l’heure que…

    - On sait ce qu’ils ont dit tout à l’heure, la coupe Théo. On était là. Par contre si tu en sais plus, on serais ravis d’être au courant nous aussi.

    - Et bien à vrai dire, vous savez que j’occupais un poste différent de vous.

     

    On hoche la tête.

     

    - Je ne devrais pas le dire, mais j’étais chargée de repérer dans la population un éventuel soulèvement, un éventuelle menace contre notre gouvernement.

    - Tu veux dire… une rébellion ?

    - Hum hum. Et donc je les soupçonne de vouloir prendre le pouvoir par la force et de se servir de nous pour combattre le reste de la Ville. Autrement dit, contre nos amis soldats, puisqu’eux doivent défendre les Dirigeants.

     

    Je lâche un cri de surprise. Il veulent que nous combattions nos amis ? Priss, Ryan, Lyo, Jim… ?

    Soudain, le garde de tout à l’heure, nous crie :

     

    - Eh, vous trois ! Je ne veux pas que vous vous mettiez ensemble. Vous croyez qu’on connaît nos ennemis, en pleine bataille ?

     

    Son discours me rappelle étrangement celui de Tom…

     

    - Ça dépend contre qui vous nous forcez à nous battre, je rétorque.

     

    Il continue sans tenir compte de ma remarque, mais je remarque qu'il a paru suspicieux.

     

    - Allez, vous vous séparez ! Toi - dit-il en me désignant - tu vas te battre contre lui - il me montre un colosse qui attend deux mètres plus loin en faisant craquer ses doigts.

     

    Il désigne les adversaires de mes amis tandis que je m’avance devant mon concurrent. Tout en pensant que si je me reçois un seul coup dans le ventre, je suis mal. Très mal.

     

     

     

     

    Le soir quand nous regagnons nos cellules, je suis épuisée. Ici, c’est bien pire que pendant ma formation. On ne peux pas s’arrêter, il faut se battre du matin au soir. Et je suis quasiment sûre qu’il n’y a pas d’infirmerie.

     

    - Alors, comment ça s’est passé ?

    - Et bien, je ne sais par quel miracle, ma blessure ne s’est pas ouverte. J’ai réussi à esquiver à chaque fois que mon adversaire visait mon ventre.

    - Mais visiblement, c’est ton œil qui a servi de souffre-douleur, ironise Théo en regardant l’œil au beurre noir dont j’ai « hérité » aujourd’hui.

    - C’est ça…

     

    Il se dirige vers son lit, s’allonge et s’endort quasiment tout de suite. Je fais de même, mais malgré mon énorme fatigue, impossible de trouver le sommeil.

    En réalité, j’ai peur. Peur de ce qui va se passer si nous sommes véritablement enrôlés de force dans une révolte. Peur pour tous nos proches, à qui nous allons sans doute faire face… Peur pour ma famille aussi. Si on se retrouve dans une véritable guerre civile, qu’adviendra-t-il de la population ?

     

    Cette nuit là, je ne pus dormir. Si bien qu’au réveil, j’avais, en plus de ma blessure à l’œil, de monstrueux cernes noirs.

    A peine Théo ouvrit la bouche pour se moquer que je lui lançai un regard assassin, de sorte qu’il se tut. Il avait intérêt. Je n’étais pas d’humeur à plaisanter.

    Ils nous firent sortir de nos cellules, comme la veille. Ils nous rassemblèrent dans la grande salle. Et nous ordonnèrent de nous battre, en faisant bien attention que mes deux amis et moi soyons séparés. Ils nous surveillèrent toute la journée pour éviter qu’on ait un seul moment où l'on puisse se parler. En y réfléchissant, je me dis que c’était peut être à cause de ma phrase de la veille qu’ils nous avaient à l’œil. Ils avaient peur que je soie au courant de leurs projets et que je démolisse tout. Alors, je n'avais rien d'autre à faire que me taire et obéir.

     

    Je m’avançai vers mon énième adversaire, une fille, cette fois. Elle me lança un regard désespéré qui me laissa entendre qu’elle ne voulait pas se battre. Mais ce fut elle qui attaqua la première. Et j’eus beau m’écarter comme je pus, son poing atterrit violemment dans mon ventre.

    Je hurlais, tandis que mon sang se déversait sur le tapis. Je vis le visage de la fille se pencher sur moi, horrifiée. Ensuite, Théo et Opale laissèrent tomber leurs combats, en dépit des menaces de gardes, et coururent vers moi.

     

     

     

     

    Je savais qu’ils n’auraient aucune pitié. Les gardes, je veux dire. Aussi, je décidais de me relever tant bien que mal.

    Opale m’aida, voyant que ma blessure était douloureuse. J’étais assise sur le tapis. Elle déchira la manche de son tee-shirt, me l’enroula autour du ventre.

     

    - Merci, murmurais-je.

     

    Les gardes arrivaient au galop.

     

    - Que se passe-t-il ?

    - Mon amie s’est ouvert le ventre…

    - Laissez-moi passer.

     

    Le garde déroule le tissu et regarde ma plaie.

     

    - Elle ne semble pas être récente, cette blessure.

     

    Non ! Je vais être obligée de lui dire que ça fait longtemps. Je ne veux pas.

     

    - Non, je mens. Je n'avais pas ça avant, je vous assure.

     

    J'espère que mes amis ont compris qu'ils ne doivent pas parler.

     

    - Bon. Tu as l’air de te remettre, de toute façon. Ça ne doit pas être trop grave.

     

    Ce n’est pas que ce n’est pas grave, mais ça, le garde ne peut pas le savoir. C’est surtout que je me contrôle pour ne pas hurler, car en réalité, la douleur est à peine supportable.

     

    - Bon. Tu vas rentrer dans ta cellule et demain ça ira mieux.

     

     

    Ça, j’en doute.


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