• - Et bien, on est plus présentables comme ça, remarque Opale quand nous sortons de l'infirmerie.

     

    On part vers le réfectoire.

     

    - Tout à fait. Même si j'ai beaucoup apprécié ta coloration rouge et mon œil façon… Tu sais, l'animal avec le pelage noir et blanc qu'on voyait dans nos manuels scolaires ?

    - Un panda ?

    - Oui, c'est ça.

     

    On éclate de rire. Puis on se sépare pour aller à nos tables respectives.

     

    - Dis, il a fait du bon boulot, le médecin. On voit presque plus ton coquard, remarque Ryan.

     

    Je ne répond pas. Théo est totalement silencieux, comme d'habitude, et ça me met mal à l'aise. Pour relancer une conversation, je tente :

     

    - Et vous, vous avez fait des progrès dans vos combats ?

    - Pour être franc, non, soupire Ryan, approuvé par Priss.

     

    Comme par hasard, Théo ne répond pas.

     

     

     

     

    Je suis couchée dans mon lit, plus fatiguée que jamais après un énième après-midi d'entraînement de corps à corps. Bizarrement, je n'entend pas Priss se remuer dans le lit du dessus. Elle ne doit pas y être, mais pourquoi ?

     

    Et soudain, une violente douleur me saisit au ventre et je sens comme une lame qui s'y insère et qui me l'entaille. Je hurle, un cri strident qui résonne dans tout le dortoir. La douleur est abominable.

    Puis je sens quelque chose qui me tire, qui me lâche, et je retombe sur mon oreiller.

    Sawasane, du lit d’en face, est la première à côté de moi.

     

    - Sole, qu'est ce qui se passe ?

     

    Derrière elle, je distingue la voix de Théo.

     

    - Sole ? Comment ça va ?

     

    Et une autre voix qui crie :

     

    - Allumez la lumière, bon sang !

     

    Et d'un coup, je me retrouve aveuglée par la lumière du dortoir, si bien que je ferme les yeux pendant quelques secondes. J'entends :

     

    - Laissez moi passer, laissez moi passer !

     

    Puis un cri.

     

    - Sole, mon dieu, qu'est ce qui t'es arrivé ?

     

    J'ouvre les yeux et la première chose que je vois, c'est du rouge. Du rouge partout, seulement du rouge. Je tourne la tête. La personne qui se tient à côté de moi, c'est Priss. Elle a l'air affolé. Je me retourne du côté où était le rouge. Maintenant que je suis habituée à la lumière, je remarque que c'est du sang. Et que ce sang provient de mon ventre. Qui est lui-même balafré d'une énorme coupure, qui crache le sang. Et la douleur revient.

     

     

     

     

    J'ai mal. Quelle horrible douleur. Elle m'élance dans tout mon corps, sans que je fasse un seul mouvement.

    Je remue mes paupières et constate que je suis à l'infirmerie. Il y a des gens tout autour de moi. Priss, Ryan, Jim, un garçon que je ne connais pas et Théo, au fond de la pièce. Il est le seul à ne pas s’approcher de moi quand j’ouvre les yeux. Oh, c’est étonnant.

     

    - Elle est vivante ! crie mon amie, quand je me réveille.

    - Évidemment, qu'elle est vivante, remarque Ryan. Tu ne la croyait quand même pas capable d'abandonner la vie pour une petite blessure ?

    - Ryan, ce n'est pas une petite blessure ! Elle a le ventre quasi-totalement ouvert !

     

    Toujours en train de se disputer, ces deux là. Le garçon inconnu s'avance vers moi. Il est blond aux yeux bleus, de taille moyenne. Plutôt mignon, d'ailleurs.

     

    - Je m'appelle Lyo.

     

    Je m'apprête à rétorquer que c'est un nom étrange quand je me souviens que le mien l'est encore plus. Alors je ne dis rien. Merci Opale.

     

    - J'ai eu tellement peur…

    - C'est bon, Priss, ne t'inquiètes pas.

    - J'aurais tellement voulu être là, j'aurais pu empêcher ce qui s'est passé… Je m'en veux !

    - Hé. Je suis vivante, d'accord ! Ne culpabilise pas, c'est pas de ta faute !

    - Moi aussi je suis innocent, ajoute Ryan.

    - Pareil pour moi, dit Jim. Je suis vraiment désolé qu'il te soit arrivé une chose pareille…

    - Oui, c'est vraiment horrible, ajoute le dénommé Lyo.

     

    A ce moment, Théo lance un regard noir à Lyo dans son dos. Mais il ne bronche pas, ne s'avance toujours pas pour me dire que ce n'est pas lui, rien.

     

    - Tu te sens d'aller manger ? demande Priss.

    - Je crois.

    - Très bien, allons-y, dit-elle aux autres. Tu nous rejoins à la table !

     

    Je reste seule avec Théo, qui n'est pas parti avec eux. Je me lève péniblement et sors du lit.

     

     

    - Ça va ? demande-t-il.

    - Oui. Va rejoindre les autres, j'arrive. Pas la peine de rester là.

    - Je veux juste te donner un conseil.

    - Vas-y…

    - Ne fais confiance à personne. Après ce qui vient de t'arriver, n'importe qui peut être coupable. A ta place, je me méfierais même de ceux que tu considères comme tes amis.

    - Qu'est ce que tu veux dire ? Tu sais qui a fait le coup ?

    - Non. Mais fais attention. Ne fais confiance à personne.

    - Je rêve ou tu es en train de me dire que c'est toi le coupable ? Et puis d'ailleurs, si je me méfiais de tout le monde, pourquoi devrais-je te croire, toi ?

    - Mais non ! Je n'ai jamais dit que tu devais me faire confiance ! Et je n'ai pas dit non plus que j'étais le coupable…

    - Alors tu perds ton temps. Je ne sais même pas pourquoi je continue à t'écouter alors que je suis sensée me méfier de tes paroles. Donc je ne suivrais pas ton conseil. De toute façon, je ne suis pas si naïve !


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  • Je me mets à courir dans les couloirs en espérant le distancer. Il me suit.

     

    - Fous-moi la paix, Théo !

     

    J'arrive à la cafétéria et je rejoins Ryan et Priss à notre table. Théo arrive deux minutes après. Il est en colère. Mais moi aussi.

    Nous mangeons en silence. L'ambiance est lourde. Puis, Ryan et Priss se mettent à parler de mon accident.

     

    - A votre avis, pourquoi cette personne t'a-t-elle lacéré le ventre ?

    - Peut-être que…

     

    Puis je me rends compte que je n'en ai aucune idée.

     

    - En tout cas, si tu n'avais pas crié, peut-être que ça aurait été pire. Tu as eu de la chance. dit Ryan.

     

    Priss le fusille du regard.

    Nous continuons à évoquer nos hypothèses, sans nous soucier de Théo, qui tire une fois de plus une mine renfrognée. Puis nous repartons vers la salle d'entraînement.

     

     

     

     

    Nous sommes à la cafétéria, personne ne parle, comme d’habitude. Sauf que cette fois-ci, c’est différent. Nous sommes tous fatigués par notre entraînement de la journée. Hier, nous avons commencé l’entraînement avec les armes. C’est plus facile que le corps à corps, du moins je trouve.

    Soudain, Ryan lance :

     

    - Alors, vous savez toujours pas pour le mystérieux agresseur de Sole ?

    - Pourquoi agresseur ? demande Théo du tac au tac. Ça pourrait très bien être une fille. On ne les connait pas assez pour savoir de quoi elles sont capables !

    - C’est vrai, je disais juste ça comme ça. C’est pas la peine de t’énerver.

    - De toute façon, je renchéris, je pense avoir une idée.

    - Ah ouais ? interroge Théo.

     

    Je désigne un gars au physique de colosse deux tables plus loin.

     

    - Il me paraît suspect.

    - C’est idiot ! crie Théo. Tu ne vas quand même pas l’accuser juste sur une intuition ! Je connais Gary depuis ma première année d'école ! Il n’aurait jamais fait de mal à une mouche ! Si c’est juste à cause du fait qu’il est grand et intimidant, tu te trompes complètement !

     

    Il se lève, fou de rage et s’en va à grands pas.

     

    - Waouh, remarque Priss. C’est bizarre qu’il soutienne que Gary est innocent. Comme s’il savait qui était le coupable.

    - Ouais, il me l’a laissé entendre, hier. Il disait un truc du genre « Tu dois te méfier de tout le monde, y compris de tes amis ».

    - Bizarre…

     

     

     

     

    Je m’améliore de plus en plus, en tir au pistolet. Je ne suis pas mauvaise au poignard et à l’arc aussi. D’ailleurs, j’ai pu constater que Priss, par rapport au combat à main nues, est nettement plus douée avec les armes. J’espère pour elle que ça lui assurera une bonne place dans le classement. C’est le dernier jour de notre entraînement avec les armes. J’espère qu’avec ça et ma victoire sur Sawasane, Billy et mon ex-æquo avec Opale, je remonte dans le classement. Mais on n’a pas le droit de savoir notre score avant la dernière épreuve.

     

    - Eh, Sole ? m’appelle Priss.

    - Oui ?

    - Tom a décidé de nous libérer un peu plus tôt aujourd‘hui.

    - Sérieux ? C’est bien la première fois.

    - Ouais ! Du coup, je me disais… On pourrait aller se balader, avec Ryan. Je connais un endroit sympa pas loin d’ici. Tom est d’accord, à condition qu’on ne rentre pas chez nous et qu’on revienne avant l’heure du repas. Alors, ça te dis ?

    - Super !

    - Je reviens, je vais prévenir Ryan.

    - Ça marche.

     

    Je les attend à la sortie. Ça me rappelle mon premier jour, quand je suis entrée et que je ne voyais rien dans cette obscurité. Maintenant, je m'y suis habituée et je me demande comment je vais supporter la lumière du soleil. Ah, les voilà.

     

    - Waouh, ça va me faire bizarre de retourner dehors ! rigole Ryan.

    - Oui, moi aussi. Si Tom ne nous avait pas interdit de rentrer chez nous - d’ailleurs, je ne sais pas pourquoi - je pense que je serais allée voir ma famille, ajoute Priss.

     

    On marche pendant un moment jusqu’à un parc que je ne connais pas, dans le quartier W. Il fait un temps magnifique. Maintenant, je regrette d’avoir choisi un métier où on ne voit pas le ciel, parce que c’est sublime. Mais je suppose qu’il va falloir que je m’y fasse. De toute façon, si je réussis à être classée dans les dix premiers, je patrouillerais dans la Ville et je ne serais plus à l’intérieur.

    Nous arrivons à un endroit où l’herbe est toute moelleuse, douce… Priss s’allonge.

     

    - J’avais un jardin, quand j’étais petite, avant de déménager, chuchote-t-elle. Chaque soir, comme je ne supportais pas d’être enfermée, je faisais mes devoir dans le jardin, assise où allongée dans l’herbe. Comme j'habitais près d'ici, je pouvais aussi aller au parc, jouer avec mes amis en rentrant de l'école. Qu’est ce que ça m’a manqué, quand je suis partie…

    - Pourquoi tu as déménagé ?

    - Parce que mon père est parti de chez nous, ma mère et lui ont divorcé. Comme ma mère à elle seule n’avait pas un salaire suffisant pour payer cette maison plus les frais quotidiens, on l’a vendue et on a acheté un appartement plus petit… et sans jardin.

     

    Dans son regard, je vois à quel point ça lui manque.

    Ryan et moi sommes allongés, nous aussi. On contemple le ciel, rêveurs. Je me souviens que quand j’avais quatre ans, je m’allongeais dans le jardin d’enfants et j’imaginais que les nuages étaient tous des choses différentes : des animaux, des objets… J'avais un jardin, moi aussi. Seulement, quand je suis partie à quatre ans chez ma tante Mara (et ensuite au foyer), j'ai dû faire sans. Autant dire que je n'en ai pas profité longtemps.


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