• J'ai écrit cette nouvelle pour le concours "Histoires d'Iles", que mon département organisait, et malheureusement, il n'a pas été sélectionné! Donc je compte sur vous pour me dire les points que je devrais améliorer, car c'est mon récit le plus sérieux et je compte bien aller jusqu'au bout!

    D'abord, il y a moi. Leslie Cooper, quatorze ans. Un mètre soixante-cinq, châtain clair, les yeux verts. Un peu froussarde et timide, aussi.

    Ensuite, ma sœur, Shirley. Elle est mon opposé: téméraire, n'hésite pas à se fourrer dans des situations embarrassantes. De plus, elle est rousse aux yeux marron. Elle fait presque la même taille que moi. Elle a un an de moins, mais on est très complice. Plutôt rare, d'ailleurs, pour des filles de notre âge. Toute seule, je n'ai pas un brin de courage, mais avec elle, je suis aux quatre cents coups.

    Et, pour finir, mum et dad. Ces derniers entrèrent dans le salon un dimanche après-midi quand nous faisons nos devoirs, ma sœur et moi.

    - Les filles, nous avons quelque chose a vous annoncer.

    - Ah? Quoi donc?

    - Nous allons déménager en France.

    Je vous passe les hurlements de joie de Shirley, mes protestations et les aboiements de Lenny.

    Ah, oui. Lenny. Le dernier membre de la famille, un golden retriever du nom de John Lennon, alias Lenny. Il avait l'air d'avoir compris la conversation et s'en donnait à cœur joie.

    Durant les jours suivants, la maison fut sans dessus dessous. Shirley était toute excitée à l'idée de découvrir un autre pays; mum et dad s'occupaient des préparatifs, tandis que je ruminais ce projet seule dans mon coin. Je n'avais jamais aimé les séparations. Déjà toute petite, je pleurais à chaque fois que nous quittions nos cousins ou nos grands-parents à la fin des vacances pour retourner à la maison.

    Maintenant, j'allais devoir quitter mes amis, et tout cela pour quoi? Pour aller vivre sur une toute petite île du littoral français où dad était né.

    Enfin, une semaine après, nous visitions notre nouvelle maison au bord de la plage. L'île était superbe. Certes, le village ne ressemblait en aucun cas à Liverpool et il n'y avait pas de collège, ce qui nous obligerait à nous lever tôt pour arriver à l'heure: nous serions forcées de prendre le bateau, puis le bus. Mais, la maison ressemblait à une de ces villas de campagne; nous avions la plage en face de la rue et nous pouvions aller nous promener où et quand nous voulions aussi, nous étions heureuses.

    Les premiers jours ont été un bonheur complet. Comme nos parents jugeaient inutile que nous allions au collège alors qu'il ne restait que quelque jours de cours, nous faisions ce qui nous plaisait. Dès que nous avions un moment de libre, ma sœur et moi courrions pour atteindre la plage. Les jours les plus chauds, nous allions nous abriter dans les bois et nous jouions à cache-cache, comme lorsque nous avions six ans. Nous avons aussi visité les musées: le Musée Napoléonien et la Maison de la Nacre.

    Nous avons rencontré notre voisine, Mme Ménard, une charmante vieille dame chez qui nous avons passé beaucoup de temps à écouter des histoires. Parmi celles-ci, une étrange légende que nous lui avons demandé de nous raconter encore et encore. Ce récit décrivait l'histoire d'un jeune garçon qui, ayant perdu père et mère dans un naufrage, se jeta du haut d'un des phares de l'île d’Aix pour aller les retrouver. Elle ajouta que les soirs d'orage, le fantôme de l’enfant venait au village et que l'on entendait ses plaintes jusque tard dans la nuit…

    Un après-midi, alors que nous nous promenions Shirley et moi aux alentours du Fort Liédot, nous avons fait la connaissance d'un étrange jeune homme. Il était assis sur un rocher, les genoux dans ses bras et fixait l'horizon, immobile. Ma sœur prit la parole:

    - Salut!

    L’adolescent se retourna. Son visage était pâle. Il nous regarda pendant un moment avant de nous répondre d'une voix faible:

    - Je m'appelle Lucas. Et vous?

    - Nous, c’est Shirley et Leslie. Tu habites ici?

    Il hocha la tête. Puis, il nous désigna une forme sombre, dépassant des buissons.

    - Oui. J'habite ici.

    Nous sommes restées un bon moment avec lui, à contempler la mer. Nous nous demandions ce qui pouvait le fasciner ainsi.

    Le lendemain, quand nous sommes allées chercher du pain à la boulangerie, un nombre important de touristes avaient envahi l'île. La boulangère nous a appris que, dès les premiers jours de vacances, les touristes se précipitaient pour profiter du soleil. Shirley ni moi n'aimions les foules; aussi, nous préférions rester à l'écart. Alors que nous allions du coté de la forêt, nous avons vu arriver Lucas.

    - Bonjour, vous allez bien?

    Il donnait l'impression d'avoir beaucoup changé pendant la nuit. Il parlait plus volontiers et avait repris des couleurs. Il nous proposa de  visiter des endroits peu connus des touristes. Nous avons passé ainsi une très bonne journée.

    Les jours suivants, le nombre de randonneurs a augmenté brusquement. Nous avons essayé alors par tous les moyens de les éviter. Avec l'aide de Lucas, nous avons découvert des cachettes inimaginables et nous sommes restés à l'intérieur. Nous avons aussi visité le Musée Africain dont Lucas connaissait les moindres objets, les moindres collections, ce qui nous a impressionnées. Le lendemain, nous avons fait le tour de Fort Boyard en kayak. C’était génial!

    La semaine suivante, la voisine nous invita à prendre le thé.

    - Ah, bonjour les filles! Entrez, je vous en prie!

    - Bonjour Madame, fîmes nous en cœur.

    - Asseyez vous!

    Plus tard, la voisine nous demanda:

    - Dites-moi, vous êtes bien amies avec cet étrange jeune homme, Lucas.

    - Oui, en effet, répondit ma sœur. Pourquoi cette question?

    - Et bien, les gens du voisinage laissent entendre qu’il est… quelque peu étrange.

    - Comment ça?

    - Par exemple, M. Gauthier, un de mes amis pêcheur, m'a dit qu'un jour, le jeune homme se promenait sur le bord de mer. Mon ami l'observait quand, soudain, il a tout bonnement disparu.

    - Qui? Lucas?

    - Parfaitement. Bref, tout cela pour vous dire qu'il vaudrait mieux vous méfier de lui, reprit la voisine.

    - C'est entendu, merci!

    Puis, nous prîmes congé de Mme Ménard.

    Les jours suivants, nous décidâmes de demander aux villageois si eux aussi avaient vu ou entendu des choses étranges à propos de notre ami. Ainsi, certains nous confirmèrent les paroles de notre voisine. D’autres nous racontèrent aussi des évènements curieux. Selon la guichetière du Musée Africain, il n'était là que depuis fin juin, alors qu'il  prétendait habiter sur l'île depuis sa naissance. Nous ne prêtâmes pas attention à ces rumeurs, convaincues que Lucas était quelqu’un de bien.

    Un mois plus tard, un violent orage s'abattit sur l'île. Le soir, nous restâmes chez nous et jouâmes au cartes pour passer le temps. Plus tard, alors que je n'arrivais pas à trouver le sommeil, je me levai et regardai par la fenêtre. Le ciel était dégagé, du moins en apparence; cependant, des éclairs jaunes fluorescents zébraient le ciel de toute leur puissance. J'en vins à penser que cela devait être joli, vu de la plage. J'allais donc chercher mes habits et mon ciré et m'apprêtais à quitter la maison, quand l'escalier grinça. C'était Shirley.

    - Que fais-tu?

    - Je vais admirer l'orage sur la plage.

    - Je t'accompagne! Je n'arrive pas à dormir.

    Nous sortîmes. Alors que je m'apprêtais à fermer la porte, Shirley me prit le bras.

    - Leslie! Je viens de voir quelque chose bouger dans les buissons!

    - Ne t'inquiète pas, il ne va rien nous arriver, nous allons seulement à la plage!

    Soudain, un bruit me fit sursauter. Je me retournais brusquement. J'aperçus alors avec étonnement, le visage de Lucas sortir de l'arbuste.

    - Oh! Eh, Lucas, qu'est-ce-que tu fais là? lança ma sœur.

    Il ne répondit pas, mais se mit à courir. Nous le poursuivîmes. Il commença par prendre la direction de la plage. Une fois sur le rivage, Shirley s'écroula. Elle venait de déraper dans le sable et avait mal à la cheville. Je l'aidais à se remettre sur pied et nous nous remîmes à courir derrière notre ami qui avait pris de l'avance. Cette fois, il nous entraînait vers la forêt. Nous commencions à être fatiguées. Les branches nous lacéraient le visage et cette fois, ce fut moi qui trébuchai. J'étais tombée sur une racine et j'avais le visage tout égratigné. Ma sœur fut bien obligée de me soutenir et nous avançâmes en marchant, exténuées. A ce moment là, je crois que nous aurions dû abandonner.

    Nous arrivâmes au village. Alors que nous pensions qu'il nous avait semées, nous l’aperçûmes, effrayant. Le brouillard avait envahi les rues et il nous parut, plus blanc que jamais. Cela nous redonna courage. Nous reprîmes la course.

    Au bout d'un moment, sa destination nous apparut clairement. C'est Shirley qui s'en rendit compte.

    - Leslie! Il va vers les phares!

    Effectivement, Lucas se dirigeait vers les deux tours rouges et blanches. Il atteignit l'une d’elles mais ne s'arrêta pas pour autant. Il ouvrit la porte et entra. Elle se referma à l'instant même où nous arrivâmes. Nous dûmes batailler avec car elle ne s'ouvrit pas aussi facilement que précédemment. Enfin, nous entrâmes. Plus de trace de notre ami. Nous le cherchâmes un moment avant de supposer qu'il était tout simplement monté. Nous prîmes donc les escaliers. Nous étions en sueur. Notre course poursuite nous avait tant fatiguées que nous arrivions à peine à gravir les marches. Puis, nous atteignîmes le haut, épuisées. Lucas se tenait là, sur le bord du phare. Nous l'appelâmes mais il ne se retourna pas. Nous nous approchâmes et il avança, comme s'il nous avait senties venir. Il se trouvait maintenant à l'extrémité de la plateforme, à un endroit où le plancher s'effondrait et où il n'y avait pas de barrière.

    Soudain, tout s'accéléra. Persuadée qu'il voulait sauter dans le vide, je m'élançais pour le retenir. Ce fut une erreur fatale. En effet, au moment où j'allais le saisir par l'épaule, ma main passa à travers lui, et, emportée par mon élan, je chutais. Je vis alors ma sœur se précipiter, me tendre la main. Mais je la manquais de peu et elle se referma dans le vide. J'entendis alors un cri de terreur qui me glaça le sang. Je voulus en faire de même, mais aucun son ne sortit de ma bouche et je sombrais dans le néant. Le noir.

    A mon réveil, tout était blanc. Était-ce le paradis? Je n'en savais rien. Mes bras et mes jambes, que dis-je, tout mon corps me faisait souffrir. Un étrange bourdonnement se faisait entendre dans mes oreilles et, quand je voulus avaler ma salive, un horrible goût de sang se fit ressentir. J’essayai avec difficulté de toucher ma tête, un de mes bras étant complètement brisé. Je découvris alors une énorme bosse sanguinolente à l'arrière de mon crâne. Ce n'était pas le paradis, mais l'enfer! Et enfin, un visage tout d'abord inconnu se pencha au dessus de moi.

    - Elle est vivante! Elle a ouvert les yeux! cria cette personne.

    C'est à sa voix que je la reconnus. C'était Shirley.

    - Tout le monde a cru que tu étais morte! Les médecins pensaient que tu n'allais pas survivre, car tu étais dans un coma tellement profond...

    J'étais sous le choc, je ne pouvais pas répondre. La porte s'est ouverte et le médecin a fait son apparition.

    - Vous avez de la chance de vous en être sortie.

    Il changea ma perfusion. J'entendis ma sœur lui poser une question.

    Il proposa quelque chose à mes parents, qui sortirent. Shirley et moi étions seules dans la chambre.

    - Quand tu es… tombée. J’ai du faire croire aux ambulanciers que le plancher s’était effrité.

    - Quand je suis tombée…

    J’essaye de me rappeler du moment dont elle parle, mais je ne trouve pas.

    - Enfin, Leslie, tu es tombée du phare, tu te souviens?

    Franchement, non, je ne me souviens pas. Et j’ai beau retourner ma mémoire dans tous les sens, je ne vois pas de quoi elle parle. Ses sourcils se froncent.

    - Leslie, de quoi te rappelles-tu dans cette fameuse nuit?

    - Je te jure, je ne comprends pas… Quelle nuit? Et quel phare?!

    Le visage de ma soeur laissait supposer qu’elle était réellement inquiète. Elle finit par aller chercher le médecin, qui discutait toujours dans le couloir.

    - Elle ne se rappelle plus de rien…

    - Ce n’est pas grave. Il faut lui laisser du temps pour se rétablir.

    Du temps, j’en eus. Il se passa un mois avant que je puisse me mettre debout. Pour passer le temps, Shirley me racontait toute l’histoire, mon histoire. Un seul point restait obscur. Qui était réellement Lucas? Les habitants de l’île, venus tour à tour prendre de mes nouvelles, m’expliquèrent qu’ils n’avaient plus vu Lucas depuis l’accident. Le jour, tout allait bien, mais la nuit, un cauchemar horrible m’assaillait dès que je m’endormais. Je voyais une main, qui se refermait devant mes yeux, puis, j’entendais un cri strident qui me réveillait en sursaut.

    Après m’être rétablie, je fis ma rentrée au collège et le reste de ma scolarité se passa normalement, bien que j’aie le vertige depuis ma mésaventure.

    Ce fut lors des résultats du bac, il y a une semaine, que ce cauchemar cessa de me hanter. La nuit de lundi à mardi fut sans repos, car il revint, plus terrifiant que jamais. Le lendemain j’ai eu les résultats des examens: reçue, avec mention. Au moment de découvrir mon nom sur le panneau d’affichage, j’ai croisé le regard d’un jeune homme, non loin de moi. Il m’a fait un petit signe et m’a souri. Peut-être que j’ai rêvé, mais j’aurais juré que cette personne n’était autre que Lucas. J’espère qu’il est heureux, maintenant, où qu’il soit…  Le lendemain en revanche, je pus enfin dormir sur mes deux oreilles.

    Ma soeur est contente de savoir que je ne fais plus ce terrible cauchemar. Elle pense que je suis enfin tranquille. Elle n’a pas tort, mais je me souviendrai toujours de cet été là. Et mes cicatrices au bras me le rappelleront à jamais...


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